12 février 2012

Les tarasques de la rue des Teinturiers

La première est représentée sur un petit relief, sur le mur d'une maison à l'angle de la rue de la Tarasque justement,



Je l'ai déjà évoquée sur mon autre blog, "encrer le monde", ICI
Si ce relief est très érodé, on voit tout de même bien le bonhomme dans la gueule de la bête,et l'allure générale de celle-ci. La tarasque est généralement représentée comme ceci :

Bas relief du sculpteur Jean Barnabé Amy représentant la tarasque
que l'on peut voir au musée Arlaten- sur Wikipedia

Je parle ici de la tarasque de la légende de Sainte Marthe. Ce n'est pas le Drac de Beaucaire, monstre des eaux pouvant prendre l'apparence humaine ; ou la Couloubre de Fontaine de Vaucluse, vaincue par Saint Véran. Elle a encore moins à voir avec la tarasque de Noves du musée lapidaire qui est plus apparentée aux lions qu'aux dragons, et s'inscrit dans les rites funéraires du passage et du culte des ancêtres (ce n'est pas du tout une ancienne représentation de la bête faramine qui nous occupe ici). Voir l'article qui lui est consacré ICI

Tarasque – du provençal Tarasca – sans doute du grec tarasco, épouvanter. Animal fabuleux de légende, sorte de dragon. 
Associé au mythe du héros terrassant le dragon, dans la lutte du bien contre le mal, il peut même symboliser les phases de l'initiation et les travaux que l'âme doit accomplir pour progresser. Dans les mythes antérieurs au christianisme et repris par exemple par celui de Saint Georges, le dragon périt sous la lance ou le glaive d'un homme, symbole du principe mâle et positif de l'Univers (la rigueur, la volonté, le feu), de la victoire de l'intelligence. A ce symbole s'est substitué, dans la tradition chrétienne, celui de la charité. C'est l'amour qui triomphe de la haine, le dragon n'est pas vaincu mais « enchanté », ainsi dans la légende de Sainte Marthe et de la Tarasque.

Le monstre dévoreur, tel qu'il est représenté ici, moitié animal, moitié poisson (Jacques de Voragine) à mufle de lion et recouvert d'écailles (Frédéric Mistral), se cachait dans une caverne sur les bords du Rhône entre Avignon et Arles. Marthe, venue en barque avec son frère Lazare, Marie-Madeleine et d'autres compagnons de Palestine jusqu'aux Saintes Maries de la Mer ; commença à évangéliser les peuples en remontant le Rhône. Le bruit de ses miracles vint aux oreilles des hommes terrorisés par la tarasque, qui vinrent la supplier de les en délivrer. Elle marche alors vers la bête faramine, lui enjoint au nom du Christ de se soumettre, dénoue sa ceinture qu'elle passe au cou de la tarasque et la conduit jusqu'à la ville voisine, qui reçut après cela le nom de Tarascon.
La légende de Sainte Marthe telle qu'elle est rapportée personnifie l'action mystique, elle dompte la Tarasque par le Verbe. Mais les peuples libérés, eux, ensuite, ont mis la bête en pièces.

Certains disent aujourd'hui qu'il se serait agi d'un crocodile égaré dans les eaux du fleuve. D'autres positivistes pensent qu'il faut chercher là la déformation de faits historiques. Plus communément il est admis qu'il faut y voir la persistance d'anciens mythes en quelque sorte « récupérés » par le christianisme pour triompher du paganisme resté vivace jusqu'au cœur du Moyen-Âge. Certains pensent même qu'il peut s'agir de souvenirs remontant à l'époque préhistorique, auxquels sont venus se surajouter les mythes méditerranéens de l'antiquité,  et les mythes orientaux associés au Léviathan.

L'autre tarasque de la rue des Teinturiers sert d'enseigne au restaurant du même nom : 


6 commentaires:

Brigetoun a dit…

tu fais un point complet (j'aime bien l'enseigne - et zut je n'y avais jamais fait attention)

Michel Benoit a dit…

La tarasque serait-elle donc venue chercher proies dans les sorgues jusqu'à la rue des Teinturiers ?

jeandler a dit…

" Or il y avait à cette époque, en bordure du Rhône, dans un bois entre Arles et Avignon, un dragon mi-animal mi-poisson, plus gros qu'un boeuf, plus long qu'un cheval, avec des dents aiguisées comme des épées, et cuirassé des deux côtés comme une tortue; il se cachait dans le fleuve, tuait tout ceux qui le traversaient et coulait les navires. "
Jacques de Voragine

Aurait-il pu loger dans la rue des Teinturiers ?

Fardoise a dit…

Merci Brigitte, j'essaie.
On peut se demander en effet si elle n'est pas venue jusqu'aux Sorgues, car sinon pourquoi donner son nom à une rue ?
Jeandler, je n'ai pas voulu citer à nouveau Jacques de Voragine, ce que j'avais fait dans mon premier article. Par contre j'avais omis de présenter l'enseigne que j'aime beaucoup.

Tilia a dit…

L'enseigne st une véritable œuvre d'art.
J'aimerais en voir beaucoup dans ce style

Fardoise a dit…

Je trouve aussi. Ce qui est dommage, c'est que placée comme elle l'est elle ne se remarque pas assez. Je ne sais pas de quand elle date.